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Nous causions de ce forfait au cercle, et nous pensions qu’une révolution devient de plus en plus nécessaire pour délivrer le pays de ces monstres à face humaine. En attendant nous ferons échouer le marquis aux prochaines élections du Conseil général ; nous jouerons du cadavre. On traînera celui de votre cher mort, madame, dans toutes les réunions publiques ; il en sera question dans toutes les affiches et nos agents électoraux le conduiront à domicile.

Vous me direz que nous n’appartenons pas comme électeurs à la circonscription du marquis. Qu’importe vraiment ! Est-ce que les honnêtes et les républicains libres-penseurs ne se soutiennent pas dans l’univers entier.

Notre feuille criera l’assassinat à tous les échos et nous allons ouvrir une souscription en votre faveur dans le prochain numéro.

Je réunirai après-demain le Comité qui vous votera un secours immédiat.

Tenez, j’aperçois à l’horizon une magnifique campagne, et dire que je ne pensais pas à tout cela avant votre visite.

Oui, ma brave femme, vous pouvez compter sur toute notre sympathie, sur notre entier dévouement à votre cause qui est devenue celle de la Libre-Pensée.

Peut-être irons-nous jusqu’à vous fournir le moyen de traîner M. de Curvilliers devant les tribunaux de son pays ! Je dis peut-être, car je crois que le cas de légitime défense est acquis à Billoin, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur Courtamblaize, les gendarmes ont prétendu qu’on ne ferait ren de ren à ce gueux de garde.

Et la bossue serrait les poings, mais n’ajoutait plus une parole, comme si elle avait été retenue par une pensée secrète, dont la divulgation pouvait lui causer des ennuis.

Alors, toute troublée, les larmes aux yeux, manifestations qui s’expliquaient par sa douleur, elle remerciait Courtamblaize :

— Merci bien, mon bon monsieur.

Mais lui d’un geste large la congédiait :

— Vous n’avez pas à nous remercier, nous accomplissons un devoir ; or le devoir accompli porte avec lui sa récompense.