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nuit par Billoin et je crois que Billoin l’a été aussi par lui.

Et, profitant de la stupeur douloureuse produite par une nouvelle aussi terrible, il sortit sans donner d’autres explications.

Quelques jours après les funérailles du braconnier, qui fut enterré dans le petit cimetière de Grosley situé au pied de l’église, Estelle retourna à la ferme de Pierrelaye.

Beauvoisin était venu à l’enterrement, tandis que le chef de la Libre-Pensée, l’illustre Courtamblaize se contentait d’envoyer une lettre d’excuses et de condoléances au nom de tous ses collègues.

— Ma fille, avait dit le fermier à la bossue, ta place est toujours à ta disposition, si ça te convient.

— Merci, maître Beauvoisin, j’accepte et je vous suis bien reconnaissante, allez, de ce que’vous faites pour moi et mes pauvres mioches. Dans quelques jours j’emporterai mes affaires et je reprendrai mon travail.

Au château l’événement avait causé une émotion considérable.

Le marquis s’était montré fort courroucé et avait blâmé fortement Billoin ; car le garde avait survécu à sa blessure et le médecin répondait de son existence.

— A-t-on jamais vu un imbécile de cette trempe-là, s’était écrié M. de Curvilliers. On lui commande d’aller à la messe de minuit ; il refuse sous prétexte de migraine et va tuer quelques instants après un braconnier. C’est inouï, c’est idiot. Quelle buse, mon Dieu, quelle buse !

Car le marquis voulait bien qu’on traquât les braconniers, qu’on les traduisît même en police correctionnelle, mais n’avait jamais désiré leur mort.

Il estimait même horrible de tuer un homme pour protéger des bêtes. Et puis cela troublait sa tranquillité et cet événement pouvait, avec les idées modernes, lui causer des ennuis pour sa réélection au Conseil général.

Et tous les jours, plusieurs fois dans la même journée,