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— Toutefois l’intention y était, s’écriait Courtamblaize.

Elle y était tellement que le commandant de cette garde civique, hanté par le désir d’avoir des canonniers, ne sut point résister à l’idée de remettre en action une vieille pièce d’artillerie d’on ne sait quel siècle, laquelle sommeillait depuis nombre d’années dans la salle du musée.

Ce canon était une sorte de tonneau en bois cerclé de fer.

Le commandant réquisitionna, en guise de mitraille, tous les clous des quincailliers.

Il commença par mettre dans le tonneau, pardon, dans la pièce d’artillerie, beaucoup de poudre, puis, tous les clous réquisitionnés et fit faire des manœuvres variées à ses artilleurs en attendant le moment propice.

Il ne se fit pas attendre, et les éclaireurs, un beau matin, signalèrent l’ennemi.

Alors la garde nationale sortit silencieusement de la ville dans la direction indiquée et se dispersa en tirailleurs tandis que l’artillerie prenait position au flanc d’une colline avoisinant la route sur laquelle on distinguait l’avant-garde prussienne.

À cinq cents mètres, cette dernière ayant aperçu sans doute les artilleurs fit halte.

Cependant le commandant criait :

— Ne tirez pas, ne tirez pas, attendez qu’ils soient à cinquante mètres.

Cette tactique ne convenait que médiocrement aux canonniers. Toutefois la discipline étouffait les murmures.

Mais voilà-t-il pas que soudain une grêle de balles passa sur leurs têtes, tandis que le crépitement d’une salve de mousqueterie se faisait entendre.

Seconde salve, cette fois deux hommes tombèrent.

Alors le servant, qui tenait à la main une mèche allumée, jugea opportun de ne pas attendre plus longtemps.

Une détonation extraordinaire déchira l’air, tandis que le tonneau volait en éclats, blessant les artilleurs survivants.

Mais le commandant se multipliait, ralliant ses hommes qui battaient en retraite et pour cause, criant à tout instant :

— Feu, mais feu donc, mille caronades !