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Pour quelques esprits, après la dissolution du corps, il n’existe plus rien ; la matière retourne à la matière dont la vie n’est qu’une manifestation, une transformation chimique qu’on n’a pu reproduire dans des manipulations de laboratoire sans doute jusqu’à présent par la seule raison que la formule chimique n’en a pas été trouvée ; de même, il n’a pas été possible, malgré les recherches des alchimistes, de créer de l’or. Les uns nient l’âme, par dépit, les autres par crainte des châtiments bibliques. Le raisonnement de ces derniers est simple : — Puisqu’il n’y a rien après la vie, satisfaisons tous nos goûts, saturons tous nos vices, sacrifions même les autres existences à celles de nos individus.

Ces théories actuelles n’ont pas peu contribué à développer les instincts mauvais de nature et à grossir, pour me servir d’une expression à la Prudhomme, les rangs de l’armée du crime.

Les intelligences faibles n’ont pas la compréhension du bien ; il faut en quelque sorte la leur imposer.

D’autres, et c’est le plus grand nombre, supportent les maux terrestres avec l’espoir des biens futurs de l’autre vie. Ils ne peuvent admettre que l’intelligence qui anime leur corps puisse être créée par la matière. Rébus et solutions bien inutiles à creuser et à chercher.

Ne semble-t-il pas qu’il suffirait de rester juste et bon sans se préoccuper des problèmes primordiaux de l’existence.

Mais l’homme, dans sa folie de curiosité, s’irrite de trouver des bornes qu’il ne peut franchir.

Le délire dans les affections de l’organisme semblerait être une arme dans les mains des matérialistes. L’esprit, pourraient-ils dire, déséquilibré quand le corps souffre, n’est-il pas une preuve qu’il ne peut conserver son indépendance, puisque la matière est atteinte dans son fonctionnement ?

Hélas ! sait-on pourquoi la douleur existe ? Pourquoi la lune est blanche, tandis que le soleil est jaune ? Ces astres ne semblent-ils pas à d’autres verts, verdâtres, argentés, blafards, en ce qui concerne le premier ; couleur d’or, rouge, sanglant en ce qui concerne le second ? Est-ce que leurs colorations ne changent pas chaque matin ou chaque soir ?

Cruelle énigme, dirait Theuriet.