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— C’est pour m’entretenir chaud jusqu’à la maison.

— Va les trouver.

Mais lui, toujours joyeux, continuait tant et tellement ses agaceries qu’elle finissait par céder :

— Tiens, vaut mieux que ça soit tout de suite. Après tu me laisseras surveiller ma soupe.

Et le gardien-chef, une fois son ardeur calmée, s’abîmait sous les couvertures dans un sommeil de plomb.

Quant à la ménagère, pas trop fâchée tout de même, ayant conscience sans doute du devoir accompli, elle murmurait en écumant sa soupe :

— Faudrait que tous les ivrognes soient pas plus méchants que mon homme.

Le lendemain, rigide, tout à son affaire, le fusil en bandoulière, il partait de bonne heure, inspectant les taillis et les troupeaux.

Billoin cependant se rétablissait lentement ; sa forte nature avait fini par vaincre le mal.

Le délire s’en était allé avec la fièvre visiter d’autres infortunés que la Vie tourmente avec les maladies jusqu’à ce que la Mort vienne écrire le mot : fin.

Fin ! fin de qui ? fin de quoi ? Sait-on au juste ce qu’est une fin et ce que représente un commencement ?

Ces mots ne sont-ils pas des expressions, de pures idées de convention ? Car en vérité, il n’y eut jamais, de connaissance d’homme, ni de fin, ni de commencement. Et ce sont là, depuis des siècles, sujets de tribulations pour les cervelles humaines.

L’individu qui commence au sein de sa mère et finit par la mort, n’est qu’un chaînon d’une chaîne qui n’a ni commencement, ni fin.

Il n’est que la suite d’un être et lui-même donne suite à un autre.

L’homme, dont le cerveau tient à tout expliquer, manie singulière ou plutôt orgueil incommensurable, a inventé les créations du monde, les unes spiritualistes, les autres de nature purement matérielle. La peur de l’inconnu lui a fait imaginer des systèmes de la fin commune de tout être vivant entièrement différents.