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d’aujourd’hui estiment plutôt les je-m’en-foutistes, hommes aimables, aux goûts et mœurs larges, professant le dédain de la vie qu’ils seraient désolés de quitter, tant que leurs goussets peuvent sonner le carillon des louis.

Les braconniers, tout d’un pièce comme les marins, venaient honorer leur saint pour lui-même et fumaient ensuite leurs pipes en regardant danser la jeunesse ; de maraudage il n’était plus questions.

Ils se reposaient.

Giraud, l’aïeul, Lanfuiné, Langlois, Ballu, Lorillon et Tâcheux vidaient des pots de cidre tout en émettant des opinions sur les récoltes passées ou à venir.

— Vous souvenez-vous, disait Langlois, de l’année où l’on était obligé d’étayer les branches des pommiers qui cassaient sous la charge. Y en avait-i’, des pommes, y en avait-i’. Ah ! le cidre n’était, ma fine, pas cher. Si on avait eu assez de pipes on en aurait rempli pour dix ans.

— C’est pas la même chose, cette année, observait Tâcheux.

— Les années se suivent et ne se ressemblent pas, opinait Lorillon sentencieusement.

— Mais regardez donc votre fieu, s’écria Ballu en s’adressant à Giraud, regardez donc comme il s’en donne de la danse avec sa femme.

La bossue, quoique bancale, adorait le quadrille, voire les polkas. La valse seule lui inspirait une défiance justifiée.

Dans toutes les assemblées, avant de se marier, elle se livrait à son plaisir favori, pas autant qu’elle l’aurait désiré toutefois, car les garçons, s’ils trouvaient « farce » de la faire danser une fois, ne récidivaient pas.

Mais, depuis son mariage, elle s’en donnait à cœur joie avec Giraud qui n’osait rien lui refuser. Cela égayait les acteurs et les assistants.

Pourtant ils ne se permettaient plus les plaisanteries de jadis, car la force musculaire du braconnier était connue et respectée.

— Tout de même, une drôle d’idée qu’a eue votre fieu de se marier avec Estelle, remarqua Lanfuiné.