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— Ce que je sais le mieux est que je ne sais rien.

Rien évidemment si on a la bouffée d’orgueil de vouloir tout expliquer, beaucoup si on laisse en de justes limites la souffrance humaine.

Car les religions, et en cela elles sont sages, ne tentent pas la compréhension de l’inconnu. À la démonstration, au raisonnement, elles substituent la foi. Elles ne procèdent pas comme Descartes, parce qu’il est puéril de nier ce dont on est très sûr, j’entends son existence propre ; elles se contentent de dire et d’écrire dans leurs traités dogmatiques : « Je crois parce que je crois, » ce qui dispense de toute explication et ce qui engendre la superstition, mal qu’on eût pu éviter si l’intelligence de l’homme n’était en réalité d’une essence très inférieure.

Ce roi-pygmée de la création veut tout régenter, tout asservir et tout savoir. S’il pense avoir levé un coin du voile, ou un peu de ténèbres, aussitôt il veut faire partager son opinion à ses semblables ; si les semblables résistent, il les jette au bûcher, à la torture, à la guillotine. Relisez les légendes, l’histoire, et vous constaterez à toutes les époques les manifestations presque toujours sanglantes de cette suffisance insupportable qu’on a appelée tyrannie quand elle est devenue roi, empereur, ou pouvoir oligarchique.

Cham est chassé pour avoir ri de son père, suffisance paternelle ; les protestants sont décimés à la Saint Barthélémy, exilés par Louis XIV, suffisance religieuse et monarchique ; l’inquisition prospère, suffisance ecclésiastique ; la guillotine fonctionne sans relâche après la monarchie, suffisance démocratique. Quant à la Liberté, la pauvre est assassinée dès sa naissance par tous les partis, religieux ou civils.

Après ces épreuves d’incohérence on ne peut vraiment édifier un panégyrique de la cervelle humaine.

Ceux qui ont écrit, donné le plus de bien-être aux foules n’ont jamais été appréciés par ceux qui les dirigeaient et ceux qui ont travaillé en silence, sans s’occuper des problèmes insolubles, sont précisément les hommes devant lesquels bien des écueils ont disparu.

La vapeur, l’électricité, pour ne citer que ces branches