— Sont-ils bêtes ces gens de Beaumont avec leur fontaine !
— C’est leur eau de Jouvence, ajoutait Baratou qui se piquait de littérature.
— N’empêche que, malgré leur ruisseau, souverain pour les aveugles, ils ne distinguent pas les fariboleries des pantins de sacristie, concluait Mourruot.
Mais à ce moment Courtamblaize s’emportait contre ce qu’il appelait l’abêtissement humain.
— Voyons, messieurs, peut-on s’imaginer qu’il existe encore des intelligences assez obtuses pour croire aux miracles et par suite accomplir des pèlerinages ? Et cela est pourtant puisque saint Marc existe, puisque Lourdes prospère, puisqu’on baise encore la mule du Pape.
Baratou, très suffisant en sa qualité de méridional, s’écriait :
— Hé ! cher ami, si tous les hommes pensaient juste, comment des esprits comme les nôtres paraîtraient-ils supérieurs aux autres ?
Ces dissentiments prenaient une note aiguë chaque année, dans les jours qui précédaient ou suivaient la fête du digne saint que l’on célébrait en grande pompe.
Le matin, le doyen de Beaumont-le-Roger disait la messe dans la petite chapelle et priait saint Marc de répandre, comme d’habitude, ses bienfaits sur la contrée. Le marquis de Curvilliers, la marquise et leurs enfants assistaient au service divin. Des personnes atteintes d’affections oculaires faisaient leurs ablutions dans la célèbre fontaine.
Et puis le curé bénissait tout le monde ainsi que les baraques foraines installées dans une vaste clairière au centre de laquelle s’élevait la chapelle. Alors les réjouissances commençaient à l’assemblée de saint Marc.
On dansait, on buvait surtout ferme dans des sortes de cafés organisés sous des tentes.
Et saint Marc était un peu oublié ; les filles de ferme et quelques demoiselles de cultivateurs cossus tournoyaient soutenues à la taille par leurs galants.
Rouges, la parole animée, les yeux vifs, elles se trouvaient