Mais ils ne rirent pas longtemps, car, quelques jours après la capture de Mathieu survint celle de Tâcheux, surpris dans la forêt avec un chevreuil sur les épaules.
— Bigre de bigre, dit Giraud père, v’là la veine qui tourne. Serait bon d’arrêter les frais.
Ils se mirent au repos pour quelques semaines, afin d’endormir les gardes dans une fausse sécurité.
Ce fut Bizais qui opéra cette importante arrestation. Et Billoin se morfondait pour cette raison qu’aucun braconnier, à cause de son zèle, n’osait aller sur sa garde.
Et, au rapport, M. de Curvilliers dit encore une fois :
— Tâchez de l’imiter, Billoin !
Vraiment il n’avait pas de chance. Impossible de mettre la main sur un maraudeur ni dans sa région, ni même dans celle des autres.
Sa présence faisait fuir tous les chapardeurs, dès qu’elle était signalée. Avec ses collègues ils se risquaient à ruser, mais avec lui purement et simplement ils s’enfuyaient.
Giraud fils, lui-même, s’abstenait de visiter sa garde. Sans doute, pour le braver, une fois tous les deux mois environ, il venait rôder par les sentiers ou bien essayait de mettre bas un lapin ou un faisan.
Mais il était presque impossible de le surprendre, car, en ces expéditions rares, il apportait la prudence et la sûreté d’instinct d’un sauvage.
Le proverbe : « Les innocents paient pour les coupables », est contrairement à quelques autres entièrement exact ; cela n’a pas lieu d’étonner, puisque la justice, sociale ou particulière, a toujours été boiteuse, sourde et aveugle. Le nez lui a fait séculairement défaut, et elle est devenue bossue par suite du stock énorme d’iniquités qu’elle porte.
Ce pauvre Mathieu, sans se poser les questions philosophiques ci-dessus, avait deviné immédiatement toute l’horreur de sa situation ; et ce fut ce qui l’incita à tâter près de Bourgougnon la corde de l’amitié, hélas ! détruite ou annihilée par celle bien plus robuste de l’intérêt personnel.
Victime de machinations savantes, il fut, en outre, sacri-