de terre autour de ma maison. Un jour précisément je tue un lapin, un biau lapin sur la lisière de la forêt. La bourgeoise le dépouille et n’avait pas fini que je lui dis :
— Faut que je joue un tour à Mathieu ; et v’là que j’entasse de la paille à la place de la viande.
— Qui que tu fais ? disait-elle.
— Marche toujours, que je lui fis, y a p’us qu’à prendre ton aiguille et à faire une couture sous le ventre. Ça n’effarouchera pas les moiniaux, mais ça fera de l’effet à Mathieu. Seulement mon bougre de lapin ne tenait pas sur ses pattes et ses oreilles étaient molles comme une chique. Je remédie à la chose avec du fil de fer, puis je vas poser mon empaillé dans un sillon sous un pommier, dès le petit jour, et j’attends, caché derrière un buisson, mon homme.
Sur le coup de six heures, le v’là qui s’amène, sa pioche sur l’épaule, une pelle sous le bras, vu qu’il était occupé, au moment, à nettoyer un fossé.
Faut vous dire que, pour avoir l’air de rien, je m’étais mis à gauler des pommes dans ma cour ; mais je ne le quittais pas de l’œil.
Le bonhomme rotait, se mouchait, éternuait, bref, toutes les opérations qu’on a l’habitude de faire en se levant.
Ça continua jusqu’à cent mètres de mon lapin qu’il aperçut sans vouloir croire toute de suite que c’en était un.
Il se frotta les yeux, puis, avec mille précautions, revint sur ses pas, rentra dans sa turne, d’où il sortit sans pioche, ni pelle, mais avec un fusil à la main.
J’avais appelé la bourgeoise pour jouir du coup d’œil qu’elle avait bien mérité à cause de la couture. Mais ces femelles, ça ne peut rien garder pour soi, ce qui fit qu’elle alla chercher vivement deux voisines.
Mon Mathieu avançait avec prudence, pour ne pas effaroucher le gibier. Il allait vers la bête, de pommier en pommier, restant deux ou trois secondes caché derrière chaque trône.
Mais v’là les sacrées femmes qu’éclatent de rire. Je leur allonge un coup de poing dans le dos à chacune pour les faire taire.