Et le prisonnier remerciait maintenant son vainqueur :
— Mon pauvre Bourgougnon, et moi qui t’accusais d’ingratitude tout à l’heure. Tu m’as peut-être sauvé la vie. Mais je te jure que ce n’est pas moi qui ai tendu le collet, je te le jure sur saint Marc, tu sais bien, saint Marc de la chapelle, à côté de ta maison, saint Marc que personne dans la contrée ne voudrait tromper, tant il est bon pour tout le monde, à preuve qu’il a guéri les yeux de mon aîné. Je te jure encore que je n’ai jamais tué de cerf de ma vie, tout au plus une biche, et bien par hasard, puisque c’était un lapin que je guettais.
— J’te crois à cause de saint Mare, dit Bourgougnon qui riait à se tordre dans l’échine du captif, mais j’te le demande, qui te croira ? j’te le demande, qui te croira ?
— C’est vrai, les apparences sont contre moi. Ah ! je suis bien perdu. Et la bourgeoise, a va en faire un tumulte.
Mais ils arrivaient devant la maison du chef, lequel dormait à poings fermés.
Bourgougnon, qui s’en doutait, à cause de sa visite matinale, fit un vacarme de tous les diables.
— Hé ! chef, réveillez-vous, chef.
Les chiens hurlaient à perdre haleine, et le chef dormait toujours.
— Attends un peu, Mathieu, je vas ben l’éveiller. Bouche-toi les oreilles, vieux.
Une détonation mit en émoi tous les échos de la forêt et du même coup le brigadier qui se précipita à la fenêtre en criant :
— Encore ces cochons de braconniers !
— Doucement chef, doucement chef, hurla Bourgougnon, c’est moi, pas de bêtise. Je n’ai pas pu vous faire entendre autrement.
— Comment, c’est vous, Bourgougnon ?
— Un peu, chef. On ne dort pas toutes les nuits. Même que je vous amène un prisonnier. Ouvrez vite.
— Comment vous avez pincé un braconnier, vous… ?
Son étonnement était visible. Il suffoquait et Bourgougnon riait sournoisement.