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entendu quelques coups de fusil, quoique votre sommeil soit aussi lourd que celui des hérissons, l’hiver ?

— Mais oui, chef. Dans la nuit du 3, vers deux heures du matin, trois coups de feu suivis d’un autre plus éloigné. Même que je me suis levé et que j’ai couru dans la direction ; mais plus personne.

— Je vous crois. Ils ne vous auront pas attendu. Ce n’est pas de cette façon qu’on pince ces gaillards-là. Il faut les voir pénétrer dans la forêt, puis les suivre jusqu’à ce qu’ils aient choisi leurs places et tomber dessus.

— Compris, mais tout seul c’est pas facile, d’autant que pour ces maraudes ils sont toujours en nombre.

— Ah ! Billoin n’hésiterait pas, lui.

— Oui, mais c’est un enragé et il va mourir à la tâche. Il est aussi maigre qu’un cent de clous.

— Enfin, le service est le service ; nous ne sommes pas là pour faire du lard. J’avoue en outre que nous ne sommes pas assez. J’en parlerai à M. le marquis. Votre histoire me servira de motif. À quelque chose malheur est bon. Et puis, j’y songe, ce sera peut-être une façon de les pincer.

Et tout à sa pensée, il conclut machinalement :

— Consignez ça dans votre rapport. Je le porterai moi-même demain au château.

Puis il s’éloigna et disparut dans le taillis.

Cependant Bourgougnon monologuait :

— Tonnerre ! en voilà une tuile. Salauds de braconniers ! Jamais ils ne venaient sur ma garderie. Mais c’est la faute aussi à ce cochon de Billoin. Il faut pourtant que je fasse un coup d’éclat. C’est ça, c’est parbleu ça. Billoin en séchera d’envie. Y a Mathieu de Serquigny qui vient toutes les semaines affûter un lapin dans le taillis de Cinq-Mars. C’est un ami : il sait que je ferme les yeux. Combien de fois que j’aurais pu l’agripper dans son buisson ? Il se doute bien que je l’ai aperçu souvent pendant sa faction ; mais il l’ignore puisqu’on n’en a jamais causé. Et puis, au fait, j’ai un moyen sûr de le prendre malgré moi. Il viendra ce soir. C’est son jour. S’il ne s’amène pas, ce sera fâcheux. Partie remise, alors.