Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’entends bien, mais tu n’aurais jamais fait du bon commerce, mon pauvre Giraud. Faut connaître, pour vendre, les manies des gens. Et puis nous en sommes de la Libre-Pensée.

— Tu crois ?

— Ben sûr.

— J’aime mieux faire un beau coup de fusil que de m’occuper de tout ça.

— Même que M. Baratou est le parrain de notre dernier.

— Pour c’te chose-là, je ne l’ai point oubliée, parce qu’il donne pour le petit. Mais le curé en ferait autant que leur église.

Et la vie de braconnage recommença. Les grandes expéditions se faisaient sur la garderie de Bourgougnon ; mais le fils Giraud capturait pour ses clients et ses besoins personnels, un lapin par-ci, un chevreuil par-là, malgré la surveillance de Billoin qui devenait maigre comme un coucou, suivant l’expression de la bossue.

Bourgougnon, jaloux de sa tranquillité, s’était bien gardé de parler des déprédations commises par les braconniers dans sa région située tout à l’extrémité de la forêt. Seulement le garde-chef Loriot, entendant toujours tirer de ce côté, malgré l’éloignement, interrogea le garde fainéant. Il équivoqua, comme aurait dit Rabelais.

Cela éveilla les doutes du brigadier. Depuis fort longtemps à son poste, il connaissait à quelques têtes près le nombre et l’âge des animaux divisés par troupeaux dans la forêt.

Un jour, il se leva de grand matin et, dès l’aube, commença son inspection. Il connaissait les taillis dans lesquels remisaient les troupeaux, la nuit.

Il constata de sérieux vides. Trois cerfs, têtes mûres pour les chasses, manquaient à l’appel. Le nombre des biches et des daguets sur lequel il était fixé approximativement, avait sensiblement diminué.

Que dirait M. le marquis, renseigné par lui sur l’effectif mâle, s’il lui prenait idée de chasser sur cette garde qu’on appelait la petite, par opposition à l’autre plus vaste et qui,