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Dix jours après la célébration de la noce, Giraud, repris par la nostalgie forestière, fit écrire un dimanche soir par sa femme à Beauvoisin, qu’étant malade il ne pourrait se rendre à son travail le lundi, ni le mardi, ni peut-être le mercredi.

— Bon, v’là le gâs en débandade, dit simplement le fermier en tendant la lettre à sa femme. Pour sûr, il se fera pincer tôt ou tard. Enfin, ça le regarde.

— C’est embêtant d’avoir un homme sur lequel on ne peut pas compter.

— Parbleu ! je suis de ton avis. Mais il est peut-être alité tout de même.

Il l’était, en effet, mais par calcul. Congestion au cerveau dans la journée et affût la nuit.

Ragneux de Bernay avait en effet écrit, demandant s’il n’y avait pas un bon porc dans la contrée. Cela voulait dire qu’il avait le placement d’un cerf ou d’une biche d’âge tendre.

D’autre part, le père Muriel, sevré de gibier depuis quelques semaines, réclamait, moyennant finances, pour son estomac malade, la part de butin forestier nécessaire, croyait-il, à sa digestion difficile.

Mais toutes ces incitations n’étaient, à vrai dire, pour Giraud, que des motifs servant à excuser sa passion du braconnage, comme les excuses dont se servent les ivrognes — chagrins intimes, coups du sort — pour expliquer leur amour immodéré des boissons fermentées.

Et les nuits de veille, l’œil au guet, l’oreille attentive, le doigt sur la gâchette du fusil, se succédèrent désormais sans interruption, tandis que Billoin, averti, multipliait les rondes nocturnes et les affûts humains.

Les braconniers avaient, du reste, tenu conseil, loin des oreilles humaines, loin des oreilles féminines surtout, dont ils