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tive, lente, qui fait songer, lorsqu’on l’entend, aux rues pleines d’ombre des vieilles et petites villes de province.

Soudain, le trombone, le cornet à piston et les deux violons se réveillèrent et firent leur partie, heureux enfin de s’acheminer vers ce repos qu’ils estimaient avoir si bien gagné.

Et les jurons des hommes éclataient en coups de tonnerre dans la cour, tandis qu’ils attelaient les bêtes aux carrioles et aux cabriolets.

La clarté matinale montait sur le ciel, chassant devant elle la nuit brumeuse.

Les femmes, soigneusement empaquetées dans leurs manteaux et des grands fichus de laine, s’installaient sur les sièges des véhicules :

Les hommes, excités par les libations nocturnes, impatients de partir, faisaient claquer leurs fouets près des oreilles de chevaux heureux de regagner l’ordinaire écurie, très gais, et bondissant.

Méprisant les ornières du chemin de ferme, le flot des voitures rurales s’élança en torrent vers la route départementale.

Les cris des femmes apeurées se mêlaient aux grincements des essieux, aux bruits des roues sortant des ornières pour y retomber aussitôt, aux claquements des fouets, et puis aussi, aux chants éclatants des coqs qui saluaient la venue du jour nouveau.

Les Soutardier, avec leur demi-sang, avaient pris la tête, et leur tilbury n’était plus qu’un point imperceptible sur la route accessoire qui conduit au Tilleul-Othon et rencontre perpendiculairement la large voie du Neubourg.

Cependant, Muratel, fidèle aux prescriptions du docteur Boulard, sa canne dans la main droite, s’acheminait péniblement vers Beaumont-le-Roger, pedibus cum jambis, suivi de très loin par la petite flûte, décidément enragée, jouant sans interruption aucune une marche, la marche affectionnée par toutes les musiques, mais qu’on commence à délaisser, parce qu’on l’a trop entendue :