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les dernières heures de riel

tion. Le Bois-Brûlé ne pâlit pas, ne fit pas un geste.

— C’est bien, dit-il, je suis prêt !

Mais quand le shérif lui eut fait connaître que l’exécution n’aurait lieu que le lendemain, le condamné demanda que le P. André, son confesseur, l’assistât durant toute la dernière nuit.

Quand le geôlier eut fait pénétrer le religieux dans l’étroite cellule, le prisonnier se leva… Un bruit métallique indiqua tout de suite au prêtre que la liberté des mouvements avait été mesurée à l’infortuné, et, à la lueur vacillante d’une chandelle, il vit que Riel tenait en effet, dans sa main, le boulet attaché par une chaîne à l’une de ses chevilles. Il portait des vêtements usagés, et sa chemise entr’ouverte laissait apercevoir un scapulaire sur sa poitrine ; mais ce misérable accoutrement ne faisait que mieux ressortir l’extraordinaire expression de sa face illuminée et pâle de martyr. Ses propos, toutefois, ne furent pas ceux qu’avait pu redouter un instant le P. André. Assis en face de lui, le coude appuyé sur la petite table qui formait à peu près le seul meuble du lieu, Louis Riel évoqua son enfance, parla des siens, de ses compatriotes, rappelant parfois très simplement une anecdote de sa vie, cette vie toute de lutte et de dévouement. Il était heureux, affirmait-il, en quittant ce monde, de se dire que ses efforts n’étaient pas restés vains. Le Canada s’était ému : la guerre qu’il avait soutenue aurait du moins pour résultat de forcer le Gouvernement à examiner les justes réclamations des demi-blancs et des Indiens… Il s’inquiéta aussi de plusieurs de ses partisans, de