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les arpents de neige

bas, dans le vieux pays de France… J’ai dit tout le bien que je pense de vous et de cette contrée : d’ici six mois, plusieurs de mes compatriotes seront sur les bords de la Saskatchewan avec des capitaux… et nous reprendrons notre œuvre… Car je ne sais si vous êtes de mon avis, mais moi, durant toute cette guerre, j’ai senti que c’était autant à cause de nos origines et de notre confession que pour nous enlever des terres que les Anglais nous ont combattus… Oui, oui, croyez-le bien… Et nous-mêmes, en prenant les armes, n’avons-nous pas continué la lutte commencée si glorieusement par nos pères au temps jadis, ne l’avons-nous pas continuée sous les plis de leur vieux drapeau ? Nous avons été vaincus par la force… c’est vrai… ils avaient des canons… toute l’Angleterre derrière eux… et nous, nous n’avons que nos fusils et nous étions seuls… Mais, laissez faire ! Ils n’auront peut-être pas toujours le dessus… C’est la lutte pacifique qui commence… la lutte avec nos capitaux… avec notre énergie… la seule lutte possible, quoi ! Celle d’où renaîtra peut-être la France du Canada !

Tout en parlant, Henry de Vallonges s’était échauffé. Ses auditeurs l’écoutaient dans un religieux silence. Ces gens simples saisissaient-ils bien toute la portée des paroles de leur compatriote ? Il est possible que ces rudes descendants des guerriers algonquins, et surtout Lacroix et Cadotte, plus frustes que les deux autres, n’aient pas très bien compris quelle était cette forme plus raffinée de lutte à laquelle leur ami faisait allusion. Mais, n’importe ! Leurs cœurs avaient senti ce que leurs