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trois irréductibles

emblème soit mieux défendu et gardé chez les Assinipouatacks que chez les miens ?

En parlant ainsi, le Peau-Rouge désignait le drapeau qui, roulé sur sa hampe, était appuyé contre un arbre.

— Les miens ne sont-ils pas aussi dignes que les Neyowock de le défendre ? fit l’Assiniboine avec la vivacité d’un homme piqué au vif,

— Mes frères sont aussi braves les uns que les autres ! intervint aussitôt Pierre, qui craignait de voir la conversation mal tourner. Corne-de-Buffle, ajouta-t-il, si nous allons au camp de Poundmaker, c’est parce qu’il est le moins éloigné et que nous ne possédons pas de chevaux…

— Mais, avez-vous au moins des cartouches ? Vos ceintures me semblent peu garnies.

— Trop peu pour tuer le gibier nécessaire à notre nourriture, chef… Hier, nous avons rencontré un trappeur qui a partagé avec nous son repas… Mais, aujourd’hui, nous avons faim.

Cette requête indirecte fut entendue du Cri.

— Corne-de-Buffle n’est pas un égoïste, dit-il. J’ai ici du pemmican… J’en donnerai à mes frères pour qu’ils apaisent leur faim. S’ils n’ont plus de cartouches, je pourrai aussi leur en procurer quelques-unes… Mais, après cela, je poursuivrai ma route avec mes guerriers, car la nuit n’est pas encore venue, et nos chevaux sont encore frais.

Un instant après, les quatre cavaliers s’éloignaient dans la direction du Nord-Ouest.

— Qué que tu dis de ça, Pierre ! s’écria aussitôt le vieux La Ronde d’un ton exaspéré. Louis Riel qui va se jeter dans la gueule du loup comme ça,