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les arpents de neige

pris garde… Un peu plus tard, à Batoche, lorsque, blessé, il avait senti avec quelle tendresse dévouée elle le soignait, il avait été touché profondément ; pourtant, par une sorte d’entêtement sentimental, de fidélité au souvenir de son premier et impossible amour, il s’était imposé de la considérer comme une troisième sœur. Mais les âmes jeunes ont soif d’espérance. Dans le désastre de son peuple, les deuils dont il était entouré, le cauchemar récent des jours tragiques, Rosalie, avec sa grâce alerte, était, à ses yeux, l’espoir et l’avenir. Et puis, maintenant qu’il sentait brisé le frêle lien qui l’attachait à un passé d’erreur, son cœur, comme un navire qui a rompu et qui prend le vent, s’orientait inconsciemment vers de nouvelles destinées. Il n’avait plus d’appréhension à s’avouer qu’elle était d’une savoureuse et saine beauté, Rosalie Guérin, qui passait dans la lumière de cette belle journée de printemps…

Elle avait disparu dans la ferme qu’il était encore là, songeur, regardant l’endroit qu’elle avait quitté, quand il entendit Lacroix murmurer pour la troisième fois :

– Tu n’aurais qu’à « voulouère », Jean !

Mais, au même instant, Henry de Vallonges accourait pour leur annoncer en même temps que le P. Léonard venait d’arriver et qu’Athanase Guérin entrait visiblement en agonie…