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à la ferme cadotte

oiseaux voletaient dans les branches, les hirondelles se poursuivaient toujours très haut dans le ciel ; des martins-pêcheurs passaient, de temps à autre, dans un chatoiement de plumes, et le bruit continu du pic moucheté frappant de son bec les troncs creux se mariait dans le silence au crissement rythmé de la bêche du fossoyeur qui déchirait le sol. Au bout d’une grande heure de travail, la tombe étant prête, le cadavre du noyé y fut déposé doucement, après quoi les deux hommes mirent chapeau bas et le vieillard récita de ferventes prières pour le repos de l’âme du Bois-Brûlé. Ce pieux devoir accompli, il fit signe à Baptiste de recouvrir le corps.

— Le Seigneur ait son âme ! ajouta-t-il.

— Ainsi soit-il ! acheva La Ronde en se signant.

Et, de sa bêche, il repoussa la terre sur le cadavre.

Quand ce fut terminé et qu’ils eurent pris toutes leurs précautions pour que les carnassiers ne vinssent pas profaner cette tombe, le fossoyeur improvisé coupa deux branches qu’il fixa l’une sur l’autre, et, cette croix primitive plantée dans la terre fraîche, ils s’éloignèrent… Durant un instant, ils marchèrent en silence, troublés l’un et l’autre, moins par le suprême service qu’ils venaient de rendre à leur infortuné compatriote que par le mystère inquiétant qui planait sur sa mort. Ils auraient voulu n’y plus songer à ce mystère, l’avoir enfoui avec le noyé dans le sol, mais, sans trêve, il revenait obséder leurs esprits malgré leurs efforts.

— Ça ne sera p’t’être pas la peine de « jaser »