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les dernières cartouches

La Ronde se replier avec un certain nombre de Cris et toute une bande de Métis.

— Malheur ! gronda Dumont. Le cimetière qui est pris !

Haletant, terrible avec ses yeux brûlants d’ardeur désespérée, ses mâchoires serrées, ses vêtements déchirés dans la lutte, le jeune homme bondit vers les tranchées.

— Plus une cartouche ! criait-il. Ils ont forcé la barricade du cimetière !

— Nous non plus, répliqua sombrement Dumont, plus une cartouche !

Et, tout de suite, il ajouta :

— C’est à n’y rien comprendre ! Y a un quart d’heure qu’on devrait en avouère !

Pierre pâlit sous son bistre.

— Malheur de nous ! murmura-t-il d’une voix altérée. Les autres s’assemblent pour la charge !

— Alors, c’est fini !

Et, sur ces mots, Gabriel Dumont, la mort dans l’âme, rejoignit le groupe formé par Dumas, Garnaud, Lépine, Nolin, debout au bord des tranchées, les traits crispés, mais la tête tournée du côté de la rivière dans un suprême espoir…

Seul Riel, la face exsangue, l’œil fiévreux et fixe, se tenait un peu à l’écart, les bras croisés. Était-ce donc aux prisonniers qu’il songeait et à l’exécution de la menace qu’il avait faite à Middleton dans un coup de colère ?

Brusquement, il se retourna :

— Pierre La Ronde ! appela-t-il.

Le jeune homme s’avança…