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réconciliation et prouesses

du dehors, ils purent espérer, en atteignant la plate-forme, que le Loucheux, tout à ses bouteilles, d’ailleurs, n’avait conçu aucun soupçon de leur présence.

Une seconde échelle, beaucoup plus courte, conduisit Pierre jusqu’à l’endroit où La Rose avait planté le drapeau.

Il était là toujours, la hampe solidement fixée au bord d’une lucarne et flottant à l’air libre, sous le ciel étoilé…

Avec une sorte de respect, Pierre, ayant coupé les liens qui le retenaient, l’attira doucement à lui.

À quelques mètres au dessous, Jean, la tête levée, suivait attentivement l’opération.

Tout à coup, il tressaillit…

— Ah ! disait une voix bien connue, les Sangs-Mêlés sont revenus chercher leur signe de ralliement.

Jean, dans une brusque volte-face, saisissait son revolver lorsque le Loucheux, levant le bras, s’écria :

— Ne tire pas ! L’Indien ne veut aucun mal au Sang-Mêlé… Si tu tires, dans un instant, vingt Pieds-Noirs seront ici… Tu feras donc mieux de te tenir tranquille…

— Le chien a raison ! s’écria rageusement Pierre, qui s’était arrêté au milieu de l’échelle, le drapeau dans une main, accroché de l’autre à un barreau… Mais, dis-moi donc, Pitre-le-Loucheux, lequel vaut mieux : se livrer à un guerrier Pied-Noir ou à un homme qui a trahi les siens ?

— La vengeance est douce au cœur de l’homme rouge, répondit le Cri sans s’émouvoir. Il ne tra-