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XXII
réconciliation et prouesses

Après que les Peaux-Rouges, sur l’ordre de Riel, eurent mis le feu aux brousses, Pierre La Ronde, s’autorisant de son titre d’éclaireur, avait quitté les rifles-pits sans attendre le signal de ses chefs.

Comme il se doutait que les flammes, poussées par la brise, menaceraient l’église et obligeraient Middleton à la faire évacuer, il avait formé l’audacieux projet de profiter de cette circonstance pour s’y introduire, monter dans le clocher et s’emparer du drapeau.

Tapi derrière un buisson, non loin de l’endroit où les Cris avaient allumé l’incendie, il attendit donc patiemment, en dépit de la chaleur incommodante du brasier, le moment favorable pour se glisser aux abords du camp canadien.

Lorsque les rumeurs qu’il perçut du côté de l’église lui permirent de croire que l’instant était venu, il fit un crochet à gauche, pour éviter le sol carbonisé encore brûlant, puis, avec des précautions extrêmes, tantôt courbé, tantôt rampant sur les mains et les genoux, il gagna un coin d’ombre et observa le mouvement qui se faisait autour de l’édifice ; car, à l’instar des Indiens, Pierre était un garçon prudent et réfléchi, même au fort de l’audace.