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les arpents de neige

ment, nous n’avons pas de détails, Pierre. Et nous ne serions pas fâchés…

— Ah ! c’est pas dur de vous contenter. V’là donc l’affaire…

Il tira sa pipe à son tour et la bourra consciencieusement.

— V’là donc l’affaire… Su’l’ordre de Louis Riel, comme v’savez, on était établi depuis une bonne heure le long de l’eau, à hauteur du gué et y avait aussi pas mal de « sauvages » su’l’autre bord, cachés de la même façon, quand le vapeur s’amena… M’sieu le vicomte… dret devant vous, c’t’éclaireur !

Mais le Français avait à peine bougé son arme qu’un coup de feu retentissait près de lui. L’éclaireur tomba.

— Continue, Pierre, dit tranquillement François en relevant son rifle qui fumait.

— Donc, le vapeur s’amena… Arrivé au gué où l’eau est assez basse, fallut ben qu’y se ralentit pour ne pas s’échouer… À ce moment, je mimai le cri du geai, comme c’était entendu. Et, pour lors, ce fut une fusillade, ah ! mes amis, un tapage d’enfer des deux bords de la rivière. Mais v’savez ouï ça… Y tiraient aussi « eusses » su’nous comme des enragés avec leurs sniders et leurs canons… Mais on n’en pâtissait guère, v’savez ben… tandis qu’eux autres… M’sieu le vicomte, su’votre gauche.

Au moment où Henry épaulait, un coup partit. À cinquante pas, un homme tomba.

— Oui, continua Pierre sans s’émouvoir, y n’étaient pas fiers les Anglouais. Au bout d’une heure, leur satané navire avait sa cheminée trouée