Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/234

Cette page a été validée par deux contributeurs.
219
l’attaque de batoche

Comprenant que toute insistance était désormais inutile, le P. Léonard salua le chef des forces canadiennes et se retira. Un quart d’heure après, une longue théorie de femmes, d’enfants et de vieillards sortait de l’église et du presbytère, pour entrer dans le bois.

— Si c’était moi qui commandais, disait Hurry au sergent en les regardant passer, j’alignerais tous ces gens-là contre le mur… ça ne serait pas long.

— Ça serait peut-être tout de même un peu vif, master Hurry !

Le carabinier haussa les épaules :

— Peuh ! des sauvages… Et puis, ils en font bien d’autres, eux ! Vous ne lisez pas les journaux ?

— Quelquefois… mais voici longtemps que je n’ai eu occasion de le faire.

— Eh bien ! Si vous aviez lu ceux de l’Ontario il y a seulement deux mois, vous seriez renseigné.

— J’en ai bien lu, il y a deux mois environ, mais c’étaient des feuilles du Manitoba.

— Alors, ce n’est rien, sergent ! c’est dans les feuilles de ma province qu’il faut voir des détails sur les brigands. D’ailleurs, ce sont les seules que doivent lire les « orangistes » dignes de ce nom…

Pendant que se poursuivait ce dialogue suggestif entre le vétéran et Hurry, les officiers canadiens, après avoir rectifié la position des troupes, faisaient transporter les blessés dans l’église, ranger en arrière les chariots d’approvisionnements, prenaient, en un mot, position aussi complète que possible de la partie du village évacuée par l’ennemi. Certes,