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les arpents de neige

Hurry, le carabinier à face de brute, lâcha un épouvantable juron :

— Brown est tué ! Encore un garçon de l’Ontario massacré par ces bandits comme ce pauvre Scott autrefois !… Mais, patience ! Notre tour viendra, et tout ça va se payer doublement tantôt à Batoche.

Il achevait à peine qu’à vingt mètres en avant s’élève une horrible clameur ponctuée de nombreux coups de feu…

— Les Indiens !

Ce cri vole de bouche en bouche à travers les rangs. Une bousculade se produit…

Ce sont les Peaux-Rouges, en effet, qui, avec une singulière audace, profitant des halliers de la pente boisée, se sont glissés, au nombre d’une centaine, jusqu’aux rebords du plateau et qui ont soudainement surgi à quelques mètres des artilleurs occupés à atteler leurs pièces…

Et maintenant, c’est un terrible corps à corps. À travers une brume de fumée, on aperçoit, encadrées de longs cheveux, leurs faces peintes en guerre, hurlantes, farouches… Des crosses s’élèvent et s’abaissent. On voit fulgurer l’acier des haches et des couteaux au soleil. Le capitaine Howard, cependant, voyant la mitrailleuse attelée, s’est précipité :

— En arrière ! et feu ! feu à la prolonge !

Fouaillés par des bras fébriles, les grands chevaux canadiens, d’un brusque effort, dégagent la pièce qui flagelle aussitôt les assaillants d’un ouragan de mitraille. Rejetés en désordre par cette décharge, les Indiens hésitent, puis reculent, et, un