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résolutions

— Ah ! M’sieu Henry, répliquait l’interpellé, ne m’en parlez pas… Je croyais, par moments, que ma blessure se rouvrait et que j’allais « passer »… Mais je me suis soulagé, voyez-vous : dix gouttes de ce breuvage m’ont remis à peu près le corps… car, pour le cœur, c’est une autre affaire…

Le Français ayant répondu quelques mots que Pierre entendit mal, Jean continua :

— Oui, j’sais ben… Le père et Dumont m’ont absous… ils comprennent que Jean La Ronde, qu’un La Ronde ne peut pas avouère fait pis qu’une folie… Mais, ce qui me crève le cœur, M’sieur Henry, ce qui me chavire jusqu’au fin fond, c’est qu’y a deux hommes dans Batoche qui croient pt’être encore… Ah ! malheur !

— Vous vous faites du chagrin mal à propos, mon pauvre ami. Pourquoi ces deux hommes n’auraient-ils pas foi dans l’opinion du chef ?… Et d’abord, quels sont-ils ?

— Pitre-le-Loucheux, qui m’a dénoncé… Ce chien a flairé que j’tais allé à Clark’s Crossing pour la lettre… comme un fou que j’tais ben sûr, M’sieu le vicomte ! Pour lors, il croit que j’ai trahi Louis Riel, et il doit le conter partout.

— Non, mon ami. Il n’est pas exact que le Loucheux ait dit cela de vous. C’est Gabriel Dumont qui a exagéré, sans doute, pour obtenir de vous la vérité. Ensuite, le Loucheux n’est plus à Batoche…

En quelques mots, le Français mit le convalescent au courant des mésaventures de l’Indien :

— Donc, concluait-il, il ne peut plus raisonnablement vous préoccuper. Alors, qui encore ?…