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résolutions

T’as besoin de réfléchir à tout ça, et moué qui ai à parler à ton père !

Le chef toucha le bras de Jean-Baptiste, qui le suivit aussitôt, laissant son fils dans une perplexité qu’il n’avait jamais connue jusque-là… Un instant immobile, indécis, le jeune Bois-Brûlé suivit de l’œil les deux silhouettes qui s’effaçaient. Dans cette âme ténébreuse, l’orgueil blessé, la jalousie, un sentiment de respect pour Dumont et pour les décisions d’un chef, se livraient un effroyable combat.

Lequel allait l’emporter en lui, du civilisé conscient ou de l’instinctif sauvage ?…

Il regagna son logis d’un pas lent, l’esprit en fièvre. Ainsi, Gabriel Dumont le désapprouvait, Gabriel Dumont absolvait Jean… ou, du moins, son opinion prétendait substituer une folie de jeunesse au crime inexpiable que lui, Pierre La Ronde, avait tenté de châtier ! Mais Gabriel Dumont, cette fois, devait se tromper ; il se trompait : oui, certes, le cadet était réellement traître à la cause de Riel. Était-il possible, en effet, qu’il n’eût pas connu le contenu des lettres, comme il l’affirmait et qu’il eût agi aussi naïvement pour l’amour de cette fade Anglaise, alors que des filles de francs Bois-Brûlés… Et sa pensée s’achevait dans un frisson : puis il concluait, sentant quelque chose d’amer et de malsain s’agiter au fond de lui :

— Allons donc ! Jean est pleinement coupable… C’est sûr !

Tout en roulant dans sa tête ces pensées, il était arrivé devant la maison familiale : mais dans l’état