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XVIII
l’entrevue

Durant le retour de leur expédition à Clark’s Crossing, Gabriel Dumont et Pierre s’étaient entretenus de Jean.

Grande avait été la stupéfaction de l’aîné des La Ronde, en apprenant de la bouche même de son chef que ce dernier, après les révélations du Loucheux, ne tenait plus son frère pour un vrai coupable. Cette façon de voir le laissa non seulement sceptique, mais fort mécontent. Maintenant qu’il s’était habitué à considérer son cadet comme un renégat bois-brûlé, traître à la cause de Louis Riel, il semblait trouver mauvais qu’on lui enlevât un si légitime motif de haine. Était-ce parce qu’il sentait obscurément que, s’il en était privé, sa haine n’en serait pas désormais moins forte ?

Rentré à Batoche, la séance tumultueuse de l’Exovidat détourna son esprit de ces préoccupations. Il sortit de la salle du conseil aussi échauffé que les Indiens dont l’éloquence enflammée de Riel avait attisé l’ardeur guerrière.

L’esprit tout en fièvre, il retournait au log-hut familial lorsque son père l’arrêta. Jean-Baptiste n’avait pas oublié, lui, le rendez-vous fixé par Dumont, et il lui tardait de connaître les conclusions nouvelles de son chef, non moins que d’être fixé sur ses dispositions à l’égard du fils cadet.