Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.


XVII
hésitations

Au milieu de tous ces événements, la nature indifférente poursuivait son éternelle besogne.

Aux sombres heures des dernières semaines, aux heures de neige, de froidure, de tempête, avaient succédé, avec le retour de mai, de clémentes et magnifiques journées. Le soleil, déjà presque aussi chaud que dans le midi de la France, achevait de sécher le sol bouleversé, « pourri », comme on dit là-bas, par l’action combinée des gelées et des pluies qui avaient désolé le début de ce printemps.

Au-dessus de la rivière, délivrée désormais de l’étreinte des glaces, les bois, qui avaient déplié leurs millions de feuilles, faisaient une ceinture mouvante et verte aux maisons éparses du village.

Certes, à les voir baigner ainsi dans la belle joie paisible des choses, par les fraîches matinées et les après-midi soleilleuses de mai, il eût été difficile de soupçonner qu’on y vivait dans l’attente d’un grand drame prochain et qu’à cette anxieuse préoccupation de tous, quelques-uns en joignaient d’autres plus poignantes encore et tout intimes celles-là.

Tel était le cas pourtant de Jean-Baptiste La Ronde et de Pierre, l’aîné de ses fils. Depuis Fish-Creek, le souci semblait s’être installé à leur foyer.

Malgré son empire sur lui-même, le père ne dis-