Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
les arpents de neige

Il y avait dans les paroles de l’Indien un accent de sincérité qui frappa Dumont. Certes, le Cri était sujet à caution, et il ne convenait pas d’accorder un crédit absolu à ses dires. Pourtant, l’explication qu’il donnait de la conduite de Jean La Ronde était très vraisemblable. Prompt à la décision, le Sang-Mêlé résolut d’interroger directement et aussitôt que possible le jeune La Ronde. À l’égard du Loucheux, l’affaire semblait plus délicate, car, s’il était utile et même prudent de le retenir à Batoche jusqu’à la fin de l’enquête, il fallait aussi que rien n’éveillât la défiance de cet homme sagace. Mais Dumont connaissait trop Pitre le Loucheux pour ne pas deviner le moyen immanquable d’arriver à ce but :

— Je crois que le guerrier m’a parlé avec franchise, dit-il sur un ton joyeux. Désormais, nous serons de vrais amis, et, pour le prouver à mon frère, je lui ferai don d’un paquet de tabac !

Les prunelles bigles de l’Indien brillèrent et, tout de suite, sa main s’avança pour recevoir le cadeau. Pendant qu’il le serrait dans sa ceinture, le Bois Brûlé continuait :

— J’en réserve beaucoup d’autres à mon frère, s’il veut s’astreindre à surveiller le petit-fils du Renard-Jaune dès que celui-ci sera guéri de sa blessure… Car je prévois que ce jeune cheval un peu fou recommencera ses folies, à peine sur pied… Que dit le guerrier ?

— N’as-tu donc que du tabac, grand chef sang mêlé ? Ma couverture est vieille, et parfois je sens le vent à travers…