Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
157
un interrogatoire mouvementé

nait avec appréhension de l’imprudence qu’il avait commise autrefois en dérobant deux fourrures à cet homme dangereux. S’il allait se venger ? Comme le Cri s’expliquait mal l’attentat sur Jean La Ronde, l’idée lui vint tout de suite qu’il était victime des agissements mystérieux du vieux Métis. Aussi fut-ce avec une expression de répulsion indicible qu’il recula subitement d’un pas en criant d’une voix altérée :

— C’est lui ! c’est lui qui te l’a dit ! C’est un de vos « manitokasou » (magicien).

Comme il prononçait ces mots, un doigt tendu vers Trim, la porte s’ouvrit, et Pierre La Ronde s’avança dans la salle :

— Excusez de vous déranger, dit-il aussitôt à Dumont, mais j’arrive de la Coulée de Tourond avec des renseignements ; j’ai été d’abord pour vous quérir au quartier général, mais on m’a renvoyé « icite ».

Depuis deux jours, en effet, Pierre La Ronde avait quitté Batoche pour Saint-Antoine-de-Padoue et Fish-Creek, où l’appelait son devoir de chef des éclaireurs… Outre que ces fonctions, où il remplaçait sans désavantage Joseph Lacroix, lui plaisaient fort, il n’était pas fâché, après les pénibles aventures dont il était un des héros, de déserter, pour un temps, le toit familial.

Dès l’entrée, l’attitude du Loucheux et celle des deux Métis l’avaient frappé. Avec sa clairvoyance de chercheur de pistes, se souvenant, d’ailleurs, de l’accusation qui pesait sur l’Indien, il devina vite ce qui se passait :