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XV
un interrogatoire mouvementé

L’ivresse, qui est chez l’Indien une sorte de maladie, ne permit l’interrogatoire de Pitre-le-Loucheux que deux jours après son retour à Batoche.

En attendant, il avait été enfermé dans un local spécial sous la garde d’un Métis, et quand Gabriel Dumont, assisté du vieux Trim, s’y présenta une après-midi, il trouva le prisonnier un peu sombre, mais calme.

Le chef Métis commença par lui exposer le motif qui l’avait contraint à traiter ainsi un allié : tandis que ses frères poursuivaient l’ennemi en vaillants guerriers qu’ils étaient, lui, blotti comme une femme dans la paille, loin de tout danger, passait son temps à boire de l’eau de feu… Il avait fallu le charger sur un chariot comme un pourceau pour le ramener à Batoche… D’autre part, il était sous le coup d’une accusation grave : celle d’avoir tenté d’assassiner Jean La Ronde.

En prononçant ces derniers mots, Dumont regarda fixement l’Indien. Mais pas un muscle ne bougea dans la face boucanée de l’homme, qui se contenta de répondre d’un ton amer :

— Si c’est pour me rapporter ces mensonges que le chef vient ici, il a eu tort de ne pas rester dans sa loge de bois à écouter des histoires d’enfants.