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les arpents de neige

— Décide ! reprit Dumont ! Si tu veux de cette eau de feu, réponds d’abord à ma question.

— Je vais y répondre, grand chef ; verse toujours !

— Je refuse. Pas de réponse, pas d’eau de feu !

Et il feignit de reboucher le flacon.

Cette fois, l’ivrogne s’inquiéta.

— Non ! laisse. Je vais parler…

— J’écoute.

— Ouvre les oreilles, grand chef. Tu connais le Renard-Jaune ?

Dumont n’ignorait pas le surnom indien du vieux François La Ronde.

— Je le connais, répliqua-t-il.

— Eh bien ! celui qui m’a donné l’eau de feu est le fils de son fils.

— Le premier-né ?

— Non. Le second.

Déjà, l’ivrogne tendait sa gourde. Si stupéfait qu’il fût de la révélation du sauvage, le Bois-Brûlé, impassible sous les deux yeux luisants qui suivaient ses moindres mouvements, changea la liqueur de récipient. Mais, tout en opérant, il réfléchissait.

Ce n’était pas tout, pensait-il, de connaître le nom de celui qui avait enfreint les ordres du chef des Métis ; il était nécessaire de s’enquérir aussi du motif de cette désobéissance… Dans quel but Jean La Ronde, garçon sobre et rangé lui-même, avait-il favorisé le penchant à l’ivrognerie de l’Indien ? Cela intriguait très fort Dumont… Pressé d’en avoir le cœur net, il laissa la gourde du Loucheux à demi pleine. Le Cri lui en fit la remarque :