XIV
propos d’ivrogne
Cantonné avec un certain nombre de Métis dans le village de Saint-Antoine-de-Padoue, Gabriel Dumont attendait pour regagner Batoche le rapport des éclaireurs qui surveillaient activement les moindres mouvements des troupes canadiennes.
Le héros de Fish-Creek n’était pas le premier venu parmi les trappeurs Métis. On le connaissait depuis longtemps pour son endurance, la sûreté extraordinaire de son tir, son esprit prompt et avisé, grâce auquel il s’était toujours tiré d’embarras dans les circonstances les plus difficiles. Peu loquace, il s’effaçait volontiers dans le conseil ; mais il était le premier prêt dès qu’il fallait agir. C’était lui qui, la campagne à peine ouverte, avait, avec vingt-six Métis à cheval, obligé à la retraite le major Crozier et ses cent quarante hommes près du Lac-aux-Canards. C’était lui encore qui, par ses habiles dispositions, venait d’infliger aux Anglo-Canadiens le sanglant échec de Fish-Creek.
Physiquement, c’était un homme de moyenne taille, trapu, le cou enfoncé dans les épaules. Beaucoup plus que Louis Riel, il rappelait par les traits son origine indienne, et n’eût été une forte barbe noire, il eût pu passer pour un Cri pur sang avec ses yeux couleur de houille, sa tête énergique, aux