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le combat de fish-creek

nies, les deux blancs transportèrent le blessé à hauteur des tranchées.

Le feu, cependant, avait diminué d’intensité de part et d’autre.

Entre les détonations qui s’espaçaient, une voix monta de terre, la voix d’un chef :

— Quel est ce jeune fou, disait-elle, qui est allé se faire tuer de gaieté de cœur ? J’avais pourtant défendu qu’on bouge d’« icite ».

Plusieurs têtes qui émergeaient aussi des « rifles-pits » à ras de sol se tournèrent vers l’homme qui venait de parler : Charles Nolin, un des lieutenants de Dumont :

— C’est le cadet des fils La Ronde ! expliqua quelqu’un. Il aura voulu faire captifs deux de ces chiens d’hérétiques qui se cachaient derrière un tronc de bouleau.

— Cré mâtin ! cria un autre. Qué qu’y nous fabriquent donc là-bas les Anglouais… On dirait, foi d’homme ! qu’y vont nous faire les honneurs du canon.

La voix de Charles Nolin monta de nouveau :

— Attention, les gâs ! ils amènent les batteries… Pour lors, visez aux chevaux… ordre de Louis Riel.

Dans la coulée, en effet, parmi la brume bleue de la poudre, on voyait de vigoureuses bêtes canadiennes, excitées par les conducteurs, traîner les pièces de campagne sur la pente opposée. Mais l’endroit, habilement choisi par Dumont, ne permettait le tir de l’artillerie qu’à portée de carabine. Le feu recommença donc du côté des Métis, avec intensité. L’effet en fut terrible. Habitués, dès l’en-