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les arpents de neige

Un instant, ils se crurent sous l’empire d’une hallucination… Mais le Bois-Brûlé continuait :

— C’est encore moi, sir… J’ai à vous remettre une lettre, une nouvelle lettre de votre sœur… La voici !…

Et déjà il portait la main à sa ceinture lorsque les deux Anglais le virent subitement pâlir, puis s’effondrer de l’autre côté du tronc, tandis qu’une détonation stridente et plus rapprochée que les autres se faisait entendre sur la droite.

— Touché ! déclara Went. Cette fois, il y a de fortes chances qu’on ne revoie plus le pauvre garçon ! Mais, aussi, quelle imprudence de s’aventurer ici ! C’est bien sûr un des siens qui l’aura attrapé en nous tirant dessus… Ah ! vous voilà, sergent ? Bon. Prenez-moi sous les bras, et vous, Edward, prêtez-moi votre épaule. Vous y êtes… All right !

Quelques secondes après, les trois hommes avaient disparu derrière les halliers.

— Cessez le feu, vous autres ! cria une voix autoritaire du côté des insurgés.

Et, presque aussitôt, Baptiste La Ronde et Henry de Vallonges déboulèrent la pente jusqu’à l’endroit où le corps de Jean était étendu.

Un peu pâle, le front barré d’un pli d’angoisse, le père avait vivement passé la main sous la casaque de peau du fils pour lui tâter le cœur. Un gros soupir de soulagement gonfla sa poitrine.

— Il vit ! dit-il en se relevant.

Il souleva le corps inanimé, dont le Français soutint les jambes, et, avec des précautions infi-