Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
le combat de fish-creek

on était à peine parvenu à 400 mètres du défilé qu’une terrible fusillade éclatait en avant.

— Ce sont les « Scouts » qui font parler la poudre, dit Went. Espérons qu’ils vont nous faire place nette.

Durant deux minutes, ce fut dans le défilé un redoublement de craquements secs comme si toute une forêt de sapins était en feu. Puis une rumeur courut dans la colonne qui s’était de nouveau arrêtée. Le général donnait l’ordre de faire avancer le 90e bataillon.

— À nous, Charlie dit Edward, la main sur le revolver et les yeux brillants.

La voix du capitaine Clarke s’éleva de nouveau :

— Tout le monde est prêt ? All right !

Et le 90e bataillon de carabiniers, son chef en tête, s’engagea dans le redoutable défilé.

Un lamentable spectacle s’offrit alors aux regards des officiers et des soldats.

Cadavres ensanglantés de chevaux et d’hommes se mêlaient sur la terre rougie. À chaque pas presque, ils heurtaient des morts ou des blessés, et seuls une vingtaine de Pieds-Noirs, tapis derrière les moindres obstacles, tiraillaient sans grand succès, semblait-il, sur les pentes bleuies de fumée.

Il était vraiment temps que le gros de la colonne arrivât au secours de son avant-garde.

— Dieu me bénisse s’exclama Went offusqué, je crois que les Scouts sont loin d’avoir fait place nette !

Au même moment, les détonations redoublèrent en face d’eux, et une pluie de balles cingla l’air