Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
indignations et enthousiasmes

derrière Jean. Impatient d’assouvir sa colère, il s’apprêtait à le héler, lorsqu’un pressant appel dans un bruit de galopade l’arrêta net :

— Stop ! là-bas, Pierre La Ronde.

Et Maxime Lépine, un des « exovides », s’avança vers lui à petites foulées de son grand demi-sang canadien. En deux mots, il lui rappela la disparition mystérieuse de Joseph Lacroix. Mais, comme il fallait tout de même que le service se fît et qu’il y avait une mission urgente à accomplir, Gabriel Dumont avait songé à Pierre La Ronde, jeune, vigoureux, habile à suivre une piste.

Flatté intérieurement, le jeune homme accepta, et Lépine lui donna des instructions et lui confia les plis. Mais c’était toute sa journée brûlée dans des courses au-delà du lac des Maskegs, et il dut remettre au lendemain l’explication qu’il se proposait d’avoir avec le traître qui, déjà, disparaissait à l’angle d’une maison.

Distrait par cette pensée, il entendit à peine Lépine lui recommander de passer au quartier général avant son départ, et il regagna son domicile, la tête pleine d’idées qui se heurtaient. Une, pourtant, l’obsédait plus que les autres. Elle était donc connue de tous, officielle, pour ainsi dire, cette disparition de Joseph Lacroix, et personne ne pouvait dire ce qu’il était devenu… Personne ? Si, lui, Pierre La Ronde le savait, Lacroix avait été assassiné. Il en était sûr maintenant comme il était sûr aussi que Jean était l’auteur de ce nouveau crime. La raison en était bien simple. Lacroix se défiait du cadet. Il le surveillait. La nuit que Jean avait