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indignations et enthousiasmes

glais ? Il voulut en avoir le cœur net… Ah ! s’il pouvait, cette fois, du moins, le surprendre dans sa félonie, le dépouiller de ce tissu de mensonges dont il s’enveloppait et, puisque c’était un traître, lui cracher à la face sa colère et son mépris !

Son parti fut vite pris. Il entra dans le bois et, dissimulé derrière les buissons et les halliers, il se glissa du côté de la maison des prisonniers.

Profitant du soleil déjà tiède de cette après-midi d’avril, la plus grande partie d’entre eux conversait et se promenait derrière la clôture à claire-voie. Quant au Métis de surveillance, il vaguait à trente ou quarante pas de là, évidemment intrigué de l’animation inusitée qu’il devinait vers le haut du village.

Parvenu à la hauteur de l’entrée du bâtiment, Pierre s’arrêta à l’abri d’un tronc d’arbre et avança la tête. Mais, Jean ayant repoussé la porte une fois entré, il se décida à sortir du bois pour aller surprendre son frère dans la maison. Il n’avait pas fait trois pas que la porte s’ouvrit brusquement et que Jean parut sur le seuil. Au même moment, quelque chose de blanc glissait de sa ceinture et tombait à terre.

C’était une lettre.

Vivement il la ramassa et, cette fois, la plaça dans le petit sac de peau que les Métis, comme les Indiens, portent souvent sur le côté. Cela fait, il sortit et s’éloigna à grands pas vers le haut du village.

Arrêté sous le couvert, tout frémissant d’indignation et de colère, l’aîné des La Ronde n’avait pas perdu un seul de ses mouvements.