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scène de nuit

Un instant après, il rentra. Il n’avait rien vu de suspect. Tout était calme.

— Ainsi, vous allez regagner Batoche, dit-il au Métis. Je regrette vraiment que mon devoir m’interdise de favoriser votre retraite. Mais vous êtes adroit et j’ai lieu supposer que vous vous en tirerez sans accident. Allons, au revoir, garçon. Comptez sur ma reconnaissance et sur celle de miss Clamorgan.

Ils se serrèrent la main, et Jean La Ronde quitta la tente.

Une fois seuls, les deux officiers se regardèrent comme des gens qui ont tant de choses à se dire qu’ils ne savent par où commencer.

Charlie prit le premier la parole.

— Voilà une singulière histoire, en vérité… Mais, by God ! je serais heureux, Edward, que vous me donniez quelques éclaircissements…

— Des éclaircissements ? Je n’ai qu’à vous lire deux ou trois passages de cette lettre, et vous serez fixé… Oh ! c’est bien curieux…

Et ce fut ainsi que Went connut le mobile qui avait déterminé Jean La Ronde à faire plus de trente milles dans la nuit pour pénétrer, au prix de sa vie, dans le camp anglo-canadien :

« Je n’ai qu’à le regarder, écrivait miss Elsie, pour qu’il fasse tout ce que je désire. Mais, sans doute, le charme serait-il rompu s’il savait que je suis votre fiancée ; je lui ai donc laissé croire que vous étiez mon frère, et c’est une illusion dans laquelle il est nécessaire de l’entretenir si nous voulons qu’il nous rende de nouveaux services. »