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scène de nuit

tente pour couper toute velléité de retraite au messager :

— Un instant, l’ami ! Il s’agit d’éclaircir ceci, qui est par trop étrange… D’abord, où est cette lettre dont vous parlez beaucoup et qu’on ne voit pas ?…

Sans la moindre hésitation, le messager tira de sa ceinture un pli chiffonné et grossièrement cacheté :

— La voici…

Rapide comme la pensée, l’Anglais la lui arracha des mains et, avant qu’il fût revenu de sa surprise, le garçon vit un canon de revolver braqué sur lui.

— Pas un geste ! cria l’officier, ou vous êtes mort !…

— Edward, continua-t-il en tendant de l’autre main le pli à son ami sans détourner la tête, Edward, lisez donc cette lettre…

Un frisson de colère vite réprimé avait secoué le corps du jeune homme. Mais il comprit que toute résistance serait inutile et se contenta de dire d’une voix tremblante de fureur contenue :

— J’avais cru jusqu’ici que les officiers canadiens étaient des gentlemen… Mais je vois que ce ne sont que des rascals !

— C’est bon, c’est bon, répliqua Charlie toujours calme, sans abaisser son revolver d’une ligne. Que vous ne soyez pas très satisfait de mon procédé, c’est trop naturel… Mais, convenez que la façon plutôt singulière dont vous vous présentez ici à l’heure de minuit, sans qu’on sache au juste d’où vous sortez, et puis vos histoires funambulesques ne sont pas choses faites pour inspirer confiance…