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obtenus sont d’accord avec ceux de M. Lorentz sur tous les points importants ; j’ai été seulement conduit à les modifier et à les compléter dans quelques points de détail ; on verra plus loin les différences qui sont d’une importance secondaire.

L’idée de Lorentz peut se résumer ainsi : si on peut, sans qu’aucun des phénomènes apparents soit modifié, imprimer à tout le système une translation commune, c’est que les équations d’un milieu électromagnétique ne sont pas altérées par certaines transformations, que nous appellerons transformations de Lorentz ; deux systèmes, l’un immobile, l’autre en translation, deviennent ainsi l’image exacte l’un de l’autre.

Langevin[1] avait cherché à modifier l’idée de Lorentz ; pour les deux auteurs, l’électron en mouvement prend la forme d’un ellipsoïde aplati, mais pour Lorentz deux des axes de l’ellipsoïde demeurent constants, pour Langevin au contraire c’est le volume de l’ellipsoïde qui demeure constant. Les deux savants ont d’ailleurs montré que ces deux hypothèses s’accordent avec les expériences de Kaufmann, aussi bien que l’hypothèse primitive d’Abraham (électron sphérique indéformable).

L’avantage de la théorie de Langevin, c’est qu’elle ne fait intervenir que les forces électromagnétiques et les forces de liaison ; mais elle est incompatible avec le postulat de relativité ; c’est ce que Lorentz avait montré, c’est ce que je retrouve à mon tour par une autre voie en faisant appel aux principes de la théorie des groupes.

Il faut donc en revenir à la théorie de Lorentz ; mais si l’on veut la conserver et éviter d’intolérables contradictions, il faut supposer une force spéciale qui explique à la fois la contraction et la constance de deux des axes. J’ai cherché à déterminer cette force, j’ai trouvé qu’elle peut être assimilée à une pression extérieure constante, agissant sur l’électron déformable et compressible, et dont le travail est proportionnel aux variations du volume de cet électron.

Si alors l’inertie de la matière était exclusivement d’origine électromagnétique, comme on l’admet généralement depuis l’expérience de Kaufmann, et qu’à part cette pression constante dont je viens de parler, toutes les forces soient d’origine électromagnétique, le postulat de relativité peut être établi en toute rigueur. C’est ce que je montre par un calcul très simple fondé sur le principe de moindre action.

Mais ce n’est pas tout. Lorentz, dans l’ouvrage cité, a jugé nécessaire de compléter son hypothèse de façon à ce que le postulat subsiste quand il y a d’autres forces que les forces électromagnétiques. D’après lui, toutes les forces, quelle qu’en soit l’origine, sont affectées par la transformation de Lorentz (et par conséquent par une translation) de la même manière que les forces électromagnétiques.

Il importait d’examiner cette hypothèse de plus près et en particulier de rechercher quelles modifications elle nous obligerait à apporter aux lois de la gravitation.

On trouve d’abord qu’elle nous force à supposer que la propagation de la gravi-

  1. Langevin avait été devancé par M. Bucherer de Bonn, qui a émis avant lui la même idée. (Voir : Bucherer, Mathematische Einführung in die Elektronentheorie ; août 1904. Teubner, Leipzig).