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VI

Tout ce que nous venons de dire ne nous explique pas encore pourquoi le hasard obéit à des lois. Suffit-il que les causes soient petites, ou qu’elles soient complexes, pour que nous puissions prévoir, sinon quels en sont les effets dans chaque cas, mais au moins ce que seront ces effets en moyenne ? Pour répondre à cette question, le mieux est de reprendre quelques-uns des exemples cités plus haut.

Je commencerai par celui de la roulette. J’ai dit que le point où s’arrêtera l’aiguille va dépendre de l’impulsion initiale qui lui est donnée. Quelle est la probabilité pour que cette impulsion ait telle ou telle valeur ? Je n’en sais rien, mais il m’est difficile de ne pas admettre que cette probabilité est représentée par une fonction analytique continue. La probabilité pour que l’impulsion soit comprise entre a et a+ε, sera alors sensiblement égale à la probabilité pour qu’elle soit comprise entre a+ε et a+2ε, pourvu que ε soit très petit. C’est là une propriété commune à toutes les fonctions analytiques. Les petites variations de la fonction sont proportionnelles aux petites variations de la variable.

Mais, nous l’avons supposé, une très petite variation de l’impulsion suffit pour changer la couleur du secteur devant lequel l’aiguille finira par s’arrêter. De a à a+ε a + s c’est le rouge, de a+ε à a+2ε