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cause ne peut produire qu’un effet, tandis qu’un même effet peut être produit par plusieurs causes différentes. Il est clair qu’aucun savant ne peut souscrire à cette conclusion : les lois de la nature lient l’antécédent au conséquent de telle sorte que l’antécédent est déterminé par le conséquent aussi bien que le conséquent par l’antécédent. Mais quelle a pu être l’origine de l’erreur de ce philosophe ? Nous savons qu’en vertu du principe de Carnot, les phénomènes physiques sont irréversibles et que le monde tend vers l’uniformité. Quand deux corps de température différente sont en présence, le plus chaud cède de la chaleur au plus froid ; nous pouvons donc prévoir que les températures s’égaliseront. Mais une fois que les températures seront devenues égales, si on nous interroge sur l’état antérieur, que pourrons-nous répondre ? Nous dirons bien que l’un des corps était chaud et l’autre froid, mais nous ne pourrons pas deviner lequel des deux était autrefois le plus chaud.

Et cependant, en réalité, les températures n’arrivent jamais à l’égalité parfaite. La différence des températures tend seulement vers zéro d’une façon asymptotique. Il arrive alors un moment où nos thermomètres sont impuissants à la déceler. Mais si nous avions des thermomètres mille fois, cent mille fois plus sensibles, nous reconnaîtrions qu’il subsiste encore une petite différence, et que l’un des corps est resté un peu plus chaud que l’autre ; et alors nous