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sur un cadran divisé en 100 secteurs alternativement rouges et noirs. Si elle s’arrête sur un secteur rouge, la partie est gagnée, sinon, elle est perdue. Tout dépend évidemment de l’impulsion initiale que nous donnons à l’aiguille. L’aiguille fera, je suppose, 10 ou 20 fois le tour, mais elle s’arrêtera plus ou moins vite, suivant que j’aurai poussé plus ou moins fort. Seulement il suffit que l’impulsion varie d’un millième, ou d’un deux millième, pour que mon aiguille s’arrête à un secteur qui est noir, ou au secteur suivant qui est rouge. Ce sont là des différences que le sens musculaire ne peut apprécier et qui échapperaient même à des instruments plus délicats. Il m’est donc impossible de prévoir ce que va faire l’aiguille que je viens de lancer, et c’est pourquoi mon cœur bat et que j’attends tout du hasard. La différence dans la cause est imperceptible, et la différence dans l’effet est pour moi de la plus haute importance, puisqu’il y va de toute ma mise.

III

Qu’on me permette à ce propos une réflexion un peu étrangère à mon sujet. Un philosophe a dit il y a quelques années que l’avenir était déterminé par le passé, mais que le passé ne l’était pas par l’avenir ; ou, en d’autres termes, que de la connaissance du présent nous pouvions déduire celle de l’avenir, mais non celle du passé ; parce que, disait-il, une