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il est capable de discernement, il a du tact, de la délicatesse ; il sait choisir, il sait deviner. Que dis-je ? Il sait mieux deviner que le moi conscient, puisqu’il réussit là où celui-ci avait échoué. En un mot, le moi subliminal n’est-il pas supérieur au moi conscient ? Vous comprenez toute l’importance de cette question. M. Boutroux, dans une conférence récente, vous a montré comment elle s’était posée à des occasions toutes différentes et quelles conséquences entraînerait une réponse affirmative. (Voir aussi du même auteur, Science et religion, page 313, sqq.)

Cette réponse affirmative nous est-elle imposée par les faits que je viens de vous exposer ? J’avoue que, pour ma part, je ne l’accepterais pas sans répugnance. Revoyons donc les faits et cherchons s’ils ne comporteraient pas une autre explication.

Il est certain que les combinaisons qui se présentent à l’esprit, dans une sorte d’illumination subite, après un travail inconscient un peu prolongé, sont généralement des combinaisons utiles et fécondes, qui semblent le résultat d’un premier triage. S’ensuit-il que le moi subliminal, ayant deviné par une intuition délicate que ces combinaisons pouvaient être utiles, n’a formé que celles-là, ou bien en a-t-il formé beaucoup d’autres qui étaient dépourvues d’intérêt et qui sont demeurées inconscientes.

Dans cette seconde manière de voir, toutes les combinaisons se formeraient par suite de l’automatisme du moi subliminal, mais, seules, celles qui