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nombre fini, et le plus grand nombre est absolument dépourvu d’intérêt. Inventer, cela consiste précisément à ne pas construire les combinaisons inutiles et à construire celles qui sont utiles et qui ne sont qu’une infime minorité. Inventer, c’est discerner, c’est choisir.

Comment doit se faire ce choix, je l’ai expliqué ailleurs ; les faits mathématiques dignes d’être étudiés, ce sont ceux qui, par leur analogie avec d’autres faits, sont susceptibles de nous conduire à la connaissance d’une loi mathématique, de la même façon que les faits expérimentaux nous conduisent à la connaissance d’une loi physique. Ce sont ceux qui nous révèlent des parentés insoupçonnées entre d’autres faits, connus depuis longtemps, mais qu’on croyait à tort étrangers les uns aux autres.

Parmi les combinaisons que l’on choisira, les plus fécondes seront souvent celles qui sont formées d’éléments empruntés à des domaines très éloignés. Je ne veux pas dire qu’il suffise pour inventer de rapprocher des objets aussi disparates que possible ; la plupart des combinaisons qu’on formerait ainsi seraient entièrement stériles ; mais quelques-unes d’entre elles, bien rares, sont les plus fécondes de toutes.

Inventer, je l’ai dit, c’est choisir ; mais le mot n’est peut-être pas tout à fait juste. Il fait penser à un acheteur à qui l’on présente un grand nombre d’échantillons, qui les examine l’un après l’autre de