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de pensée, comme disait Mach. Je ne sais si je n’ai déjà dit quelque part que la Mathématique est l’art de donner le même nom à des choses différentes. Il convient que ces choses, différentes par la matière, soient semblables par la forme, qu’elles puissent, pour ainsi dire, se couler dans le même moule. Quand le langage a été bien choisi, on est tout étonné de voir que toutes les démonstrations, faites pour un objet connu, s’appliquent immédiatement à beaucoup d’objets nouveaux ; on n’a rien à y changer, pas même les mots, puisque les noms sont devenus les mêmes.

Un mot bien choisi suffit, le plus souvent, pour faire disparaître les exceptions que comportaient les règles énoncées dans l’ancien langage ; c’est pour cela qu’on a imaginé les quantités négatives, les quantités imaginaires, les points à l’infini, que sais-je encore ? Et les exceptions, ne l’oublions pas, sont pernicieuses, parce qu’elles cachent les lois.

Eh bien, c’est l’un des caractères auxquels on reconnaît les faits à grand rendement, ce sont ceux qui permettent ces heureuses innovations de langage. Le fait brut est alors quelquefois sans grand intérêt ; on a pu le signaler bien des fois sans avoir rendu grand service à la science ; il ne prend de valeur que le jour où un penseur mieux avisé aperçoit le rapprochement qu’il met en évidence et le symbolise par un mot.

Les physiciens, d’ailleurs, agissent absolument de même ;