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nous n’aurions au XXe siècle ni télégraphie, ni électrochimie, ni électrotechnique. Les physiciens, forcés de choisir, ne sont donc pas guidés dans leur choix uniquement par l’utilité. Comment donc font-ils pour choisir entre les faits naturels ? Nous l’avons expliqué dans le chapitre précédent ; les faits qui les intéressent ce sont ceux qui peuvent conduire à la découverte d’une loi ; ce sont donc ceux qui sont analogues à beaucoup d’autres faits, qui ne nous apparaissent pas comme isolés, mais comme étroitement groupés avec d’autres. Le fait isolé frappe tous les yeux, ceux du vulgaire comme ceux du savant. Mais ce que le vrai physicien seul sait voir, c’est le lien qui unit plusieurs faits dont l’analogie est profonde, mais cachée. L’anecdote de la pomme de Newton n’est probablement pas vraie, mais elle est symbolique ; parlons-en donc comme si elle était vraie. Eh bien, nous devons croire qu’avant Newton bien des hommes avaient vu tomber des pommes : aucun n’avait rien su en conclure. Les faits seraient stériles s’il n’y avait des esprits capables de choisir entre eux en discernant ceux derrière lesquels il se cache quelque chose et de reconnaître ce qui se cache derrière, des esprits qui, sous le fait brut, sentiront l’âme du fait.

En mathématiques nous faisons tout à fait le même chose ; des éléments variés dont nous disposons, nous pouvons faire sortir des millions de combinaisons différentes ; mais une de ces combinaisons,